Forêt ou jungle ?
Refaçonnées par l’homme depuis le Néolithique, nos forêts n’ont plus grand-chose de commun avec la forêt primaire qui avait recouvert le plateau suisse dès la fin de la dernière glaciation. D’une vaste étendue vierge et sauvage, on est peu à peu passé à des espaces bien policés, entretenus, exploités. En plus de sélectionner les essences et de chasser à tout-va, l’homme a défriché, beaucoup. Le développement de l’agriculture et de l’élevage, en un mot la civilisation, étaient à ce prix. Aujourd’hui, on cherche à préserver la forêt, on protège les espèces et des cohortes de gardes forestiers veillent à sa santé. Dix-mille ans, et après ?
Dans l’écosystème de la santé vaudoise, les Réseaux de soins font souvent figure de gardes forestiers. Ils entretiennent les canaux de communication, favorisent les rencontres, avertissent sur d’éventuels blocages, informent, orientent, pilotent certains dispositifs, le tout dans le but de renforcer la cohésion et la coordination du système. Les vingt années écoulées ont été riches, de nouvelles habitudes de collaboration ont été prises et personne ne songerait à revenir à l’ère glaciaire.
Mais, quelque utile qu’ait été et que soit leur action, il manque encore, dans notre canton, un projet politique visionnaire qui donnerait aux Réseaux des moyens leur permettant de contribuer activement à un remodelage du système de soins régional en l’adaptant aux besoins de santé de la population. Au vu des crises de financement qui s’annoncent, on risque, en cas de maintien du statu quo, de voir des acteurs sanitaires se réfugier dans une attitude de repli et de sauve-qui-peut, avec un possible retour à la « loi de la jungle ». Nous sommes convaincus que, pour survivre, notre système de santé doit rester « civilisé » !
« Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt.
Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le
désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques
gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un
moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : «
Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes
d’eau que tu vas éteindre le feu ? » « Je le sais, répond le
colibri, mais je fais ma part»
Légende amérindienne